Les provinces chinoises – le pays sauvage

sauvages

Le « pays sauvages » comme je l’appelle se caractérise par deux choses : les ethnies minoritaires (non-han) y sont nombreuses et les paysages grandioses. Ce sont des régions couvertes de jungles et de montagnes, traversées de rivières et de fleuves, moins peuplées et moins riches que celles du Centre et du Sud.

Au niveau gastronomique, ces régions tribales sont réputées pour la consommation de viande de chien (souvent en fondue), comme les populations du Viêtnam voisin. Du point de vue ethnique, ces provinces sont un patchwork de peuples en voie d’assimilation culturelle par les Han.

En moyenne, il y a 60% de Han (qui vivent dans les grandes villes) et 20% d’une autre ethnie, le reste étant composé d’ethnies minoritaires généralement dispersées sur plusieurs provinces, parfois même plusieurs pays (Viêtnam, Laos, Thaïlande, Myanmar). Comme chaque langue dispose de son propre mot pour désigner ces peuples, et qu’eux-mêmes parlent souvent plusieurs langues, il est fréquent que les États eux-mêmes confondent ces ethnies. On a pu ainsi penser que les Hmong et les Miao, les Yi et les Lolo, ou les Kam et les Dong, étaient des peuples différents, ce qui a tendance à fausser les statistiques. J’ai personnellement choisi de nommer ces peuples selon leur ethnonyme mandarin, lequel est le seul officiel en RPC (vous pouvez trouver une liste des 56 ethnies de Chine sur Wikipédia). De plus, certaines ethnies ne sont pas reconnues par la Chine et leurs membres considérés soit comme des clandestins, soit comme apparentés à une autre ethnie reconnue. Cette question est épineuse car le statut de membre d’une ethnie minoritaire reconnue donne des droits supplémentaires par rapport aux citoyens Han (dans les provinces où cette minorité est considérée comme « locale »), afin de préserver la paix sociale (proportionnellement plus de représentants politiques, des bonus linguistiques aux examens, exemption des contrôles de natalité, etc). Rappel : la Chine est une fédération et chaque citoyen possède avant tout sa nationalité « ethnique », nationalité que les parents peuvent choisir si l’enfant est métis. Les parents choisiront alors entre Han et non-han selon les avantages disponibles.

 

Guangxi 广西 « expansion occidentale » ou « région occidentale d’expansion vers le sud »

De son nom officiel « province autonome zhuang du Guangxi »

La région autonome du Guangxi se caractérise par un grand nombre d’ethnies minoritaires (dont les Zhuang qui forment un tiers de la population), raison pour laquelle le gouvernement de Beijing décida, pour ne pas être accusé d’ingérence ou risquer une guérilla, de les laisser se débrouiller eux-mêmes. Elle compte donc de nombreuses « réserves » ethniques où les lois tribales prévalent de facto sur les lois chinoises, les forces de l’ordre ayant pour consigne d’éviter les conflits.

Géographie : Le Guangxi possède une frontière avec le Viêtnam et une petite côte sur le golfe du Tonkin. La province est partiellement montagneuse (point culminant le mont Kitten, 2141m) et surtout couverte de rivières, avec quelques chutes d’eau. Climat subtropical. Capitale, Nanning.

Histoire : Région peuplée par les Baiyuè (les cent tribus yuè), elle est intégrée à l’Empire Qin à l’issue de la période des Royaumes Combattants. La région étant moins moderne que le reste de l’Empire (moins de villes pour que les Han se métissent aux locaux, mauvais réseau routier qui dissuade les colons, etc), son assimilation est un échec : durant vingt siècles, la région est le théâtre de révoltes, rébellions et guérillas. L’Empire se contenta le plus souvent de placer des garnisons militaires près des centres urbains et d’éviter de patrouiller dans la jungle…

À l’ère moderne, les Japonais se risquent à traverser la région lors de l’opération Ichi-Go, dans le but de conquérir l’Indochine française. Ils évitent toutefois de trop s’avancer dans l’arrière-pays, se contenant de prendre Guilin et Nanning. Le Guomindang récupère ensuite la province jusqu’en 1949… le parti communiste décide alors, prudemment, d’accorder l’autonomie à la province lors de la rédaction de la constitution. Le Guangxi payera toutefois cela par un prix élevé : les réquisitions de céréales y seront particulièrement importantes et la famine commencera dès 1955. La population se livrera alors au cannibalisme.

De nos jours, la province se développe grâce au tourisme : montagnes en pain de sucre, rizières en étages et villages « indigènes » font la joie des photographes.

Villages de Chengyang - Guangxi

Le pont menant à Chengyang, village de l’ethnie Dong

Démographie : 48.890.000 habitants pour 236.700 Km². À peu près la population de l’Afrique du Sud pour un pays plus petit que l’Angleterre. La région est peuplée par 62% de Han (surtout présents dans les villes), 32% de Zhuang, 3% de Yao (ethnie célèbre pour les longs cheveux de leurs femmes), les Miao (ou Hmong), les Dong et les Gelao formant le reste.

 

 

Guìzhōu 贵州 « la précieuse contrée »

Géographie : Province essentiellement couverte de montagnes bien que l’est soit parsemé de collines alors que le sud et l’ouest sont plus plats, le Guizhou souffre d’un climat subtropical humide avec des pluies abondantes, ce qui décourage le tourisme. La faune et la flore sont très riches et comptent plusieurs espèces endémiques. Capitale : Guiyang.

Histoire : Le Guizhou, bien qu’étant une contrée assez sauvage, fait partie de l’histoire commune de la Chine depuis 3000 ans. Il faisait partie de l’État de Shu, qui fut conquis par le royaume de Chu à l’époque des Royaumes Combattants. Puis, la région passa partiellement aux mains du Royaume de Dian (qui occupait en gros la moitié est), dont la capitale était située dans l’actuel Yunnan. En l’an 109, le roi de Dian demanda l’aide militaire de l’Empire Han pour lutter contre des tribus rivales… la suite est un classique de l’Histoire chinoise : le roi de Dian devint vassal de l’Empereur, une garnison impériale s’installa et les soldats épousèrent des femmes du coin (ces unions s’intensifièrent aux huitième et neuvième siècles). La même histoire vaut pour la partie ouest du Guizhou, qui était recouverte par le royaume de Yèláng (davantage une confédération tribale qu’un véritable État). Pour l’anecdote, quand le roi du Yèláng demanda ce que l’Empire Han pouvait bien apporter à son pays, l’Empereur aurait répondu «  Yèláng zì dà » 夜郎自大 (Yelang se considère grand), qui est devenu un proverbe signifiant que l’on se fait des illusions sur sa propre valeur.

Les descendants des premières garnisons impériales sont nommés « laohan » (vieux Han) pour les distinguer des Han descendants de colons arrivés plus tardivement ; le dialecte des Laohan est issu du mandarin archaïque. En quelques générations, la région fut intégrée à l’Empire et administrée directement par l’Empereur sous le nom de « Juzhou » (contrée des charpentiers). Les Mongols changèrent le nom en « Guizhou » au treizième siècle. Le Guizhou ne devint une province à part entière (avec un gouverneur local) qu’à partir de 1413, sous les Ming.

Plusieurs révoltes de l’ethnie Miao auront lieu entre le dix-huitième et le dix-neuvième siècle, ce qui montre que la région n’était pas si bien pacifiée que ça. Après la deuxième Guerre de l’Opium, la rébellion Taiping s’emparera brièvement de la province, mais sera chassée par les soldats impériaux. Ceux-ci s’établiront ensuite près de Taijiang et épouseront des femmes de l’ethnie Miao. Leurs enfants seront assimilés aux Miao… et les rébellions seront ensuite moins fréquentes.

A l’ère moderne, le Guizhou sera dirigé par le seigneur de guerre Wang Jialie. Celui-ci s’opposera à ce que Jiang Jieshi devienne président mais, sous la menace d’une attaque directe, il prétendra que lui et ses troupes étaient déjà membres du Guomindang, ce que Jiang Jieshi ne pourra ni vérifier ni contester. Il s’opposera ensuite régulièrement au chef du Guomindang, ce qui poussera ce dernier à corrompre ses officiers pour s’assurer le contrôle du Guizhou. Durant la Longue Marche, la province abritera les forces communistes et c’est dans la ville de Zunyi que se tiendra la conférence qui placera Mao Zedong à la tête du parti communiste. Wang Jialie sera nommé député de la province sous le régime communiste, mais il sera étranglé par les gardes rouges en 1966.

Après la guerre, Mao fera construire des industries lourdes dans le Guizhou, afin de protéger les sites des avions tant américains que russes. Mais l’industrie de la province s’effondrera avec les réformes économiques de Deng Xiaoping, ce qui fera du Guizhou la province la plus pauvre de Chine.

Démographie : Avec une population de 34.746.468 habitants sur une superficie de 176.100 Km² seulement, le Guizhou a la taille de l’Uruguay et la population du Maroc ou du Soudan. Les Han composent 62% de la population, les Miao 12%, les Bùyī (qui parlent une langue proche du zhuang) 8% et le reste est composé d’autres ethnies minoritaires (Dong, Tujia, Yi, Gelao, Sui) ou d’ethnies non reconnues comme chinoises.

 

Sìchuān 四川 « quatre rivières »

[La municipalité autonome de Chongqing (et sa campagne) ayant été détachée du Sichuan en 1997, vous trouverez plus de précision sur elle ci-dessous.]

Géographie : Le Sichuan est constitué de deux territoires très différents : à l’est le fertile bassin du Sichuan et à l’ouest le plateau Qinghai-Tibet (Qingzang). C’est une province très découpée, avec de nombreux microclimats (de subtropical humide à subarctique : très chaud ou très froid, très humide ou très sec). Les quatre « rivières » qui le traversent sont en réalité le Changjiang (le « Long Fleuve » Yangtse, connu en français du nom de son embouchure) et ses principaux affluents. C’est en effet dans le Sichuan que le plus long fleuve d’Asie va voir son volume augmenter brutalement, serpentant ensuite entre des chaines de montagne pouvant atteindre 6000 ou 7000 mètres (le point culminant, le mont Gongga, est à 7556 mètres). La région est fréquemment baignée dans un épais brouillard. La capitale est Chengdu.

Histoire : Le Sichuan était jadis formé des deux États de Ba (à l’est, jusqu’à Chongqing) et de Shu (à l’ouest, centré sur Chengdu). La région fut délaissée par les Chinois jusqu’à l’Empire Qin car, bien que très fertile, elle était à la fois difficile d’accès et bien défendue. L’Empereur Qin va toutefois envahir la région afin de pouvoir s’appuyer sur l’Himalaya pour protéger ses arrières, tout en bénéficiant des importantes récoltes agricoles qui lui permettront de nourrir d’importantes armées. De plus, le Sichuan servait de refuge aux rebelles. La conquête s’achèvera en l’an 316 avant notre ère.

Après la chute de l’Empire Han, la région servira de base à plusieurs royaumes rebelles éphémères. C’est ainsi Chengdu qui sera la capitale du royaume Shu-Han de Liu Bei, héros du Roman des Trois Royaumes. Ce royaume ne durera que quarante-deux ans (de l’an 221 à l’an 263), mais établira une réputation de justice et de tolérance qui entraînera des populations non-han à s’installer dans le Sichuan. Ce n’est toutefois que sous l’Empire Tang (de 618 à 907) que le Sichuan retrouvera son prestige culturel, en accueillant des poètes comme Du Fu ou Li Bai, et ce malgré des agressions tibétaines quasi-permanentes (l’empire tibétain venait alors de se former).

Sous les Ming, la région se couvrira d’œuvres bouddhiques. On peut toujours admirer les superbes statues géantes telles le Bouddha de Leshan, taillé dans la roche rouge. Au milieu du dix-septième siècle, alors que l’Empire Ming s’effondre, des bandits menés par Zhang Xianzhong envahiront le Sichuan par le Nord et établiront l’empire Daxi, massacrant une large part de la population locale. L’Empire Qing reprendra le contrôle de la région et s’en servira pour étendre l’Empire vers l’ouest, jusqu’au Népal.

Au début du vingtième siècle, la République fonde le district administratif spécial de Chuanbian, rassemblant le Sichuan et plusieurs contrées ethniques (yi, quiang et tibétaine). Ce district sera ensuite renommé Xikang (on y ajoutera une large part du Kham, aujourd’hui dans la province du Tibet) et aura pour vocation d’administrer la région tout en faisant cohabiter les différentes ethnies de l’est. Lors de l’invasion japonaise, la région sera la dernière forteresse du Guomindang. Lorsque la guerre civile reprit, Jiang Jieshi lui-même reviendra de Taiwan en 1949 pour superviser les défenses, sans succès : Chongqing sera prise en novembre et Chengdu le 10 décembre. Les communistes éclateront alors le Xikang (ou Sikang) entre le Sichuan et le Xizang (Tibet). Durant la Grande Famine, on estime que 13% de la population locale périt.

De nos jours, la province est surtout connue à l’étranger pour ses réserves de pandas géants. Chengdu jouit de la réputation d’être une ville où il fait bon vivre et se prélasser. On peut aussi visiter le mémorial Li Bai, ou apprécier le spectacle de l’une des nombreuses troupes de théâtre locales.

Démographie : Avant qu’on ne sépare le Chongqing du Sichuan en 1997, la région comptait 114.720.000 habitants. Depuis, elle n’en compte “que” 81.100.000 sur 485.000 Km². La population de l’Allemagne sur un territoire grand comme le Cameroun… une densité de population plutôt faible pour les standards chinois, qui s’explique par le relief très accidenté. 95% des gens sont des Han, les autres étant surtout des Yi et des Zàng (le nom chinois des Tibétains).

Gastronomie : La cuisine du Sichuan est l’une des huit grandes cuisines de Chine, sous le nom de chuāncài 川菜. Elle utilise, bien sûr, du poivre de Sichuan (huājiāo, 花椒) et du gingembre, mais surtout du piment rouge. La cuisine du Sichuan se caractérise encore par son utilisation plus fréquente de la viande de bœuf et par la friture comme principal mode de cuisson. Les viandes et poissons sont souvent fumés, salés ou séchés. Parmi les plats les plus réputés se trouvent le poulet gōngbǎo (sauté aux cacahuètes), le canard fumé au thé ou la viande à la sauce de poisson. La fondue sichuanaise demande un gosier solide : la viande y est cuite dans un bouillon de piment rouge et de poivre de Sichuan.

 

Chóngqìng 庆 « double célébration ».

Chongqing, ville héroïque, est également nommée 山城, shānchéng (la ville montagne) en raison de sa résistance et de sa situation géographique.

Géographie : Chongqing fait la transition entre le plateau du Tibet-Qinghai et les plaines du ChangJiang. Immédiatement à l’est de sa capitale, Chongqing, commencent les Trois Gorges. La région (municipalité autonome) est célèbre pour les pluies nocturnes qui l’affectent à la fin du printemps et au début de l’hiver. Le climat est subtropical humide.

Histoire : L’Histoire de Chongqing se confond avec celle du Sichuan jusqu’à la construction du Barrage des Trois Gorges. Les populations déplacées par le chantier sont alors principalement relogées à Chongqing, qui devient une municipalité autonome au même titre que Beijing ou Shanghaï. Son Histoire est donc très riche dès l’antiquité (elle fera partie de l’État de Ba, conquit par Qin dès l’an -316 avant notre ère). Elle sera ensuite la capitale de plusieurs rébellions (aux quatorzième et dix-septième siècles), puis le seul port intérieur ouvert aux Occidentaux (dix-neuvième siècle), mais c’est à l’ère moderne qu’elle va particulièrement se distinguer : capitale du Guomindang sous l’invasion japonaise, Chongqing sera en effet la ville la plus bombardée de Chine (3000 tonnes de bombes furent larguées entre 1939 et 1942). Le relief accidenté permettra aux civils de résister aux bombardements. De nombreuses usines et universités seront alors déplacées à Chongqing afin de protéger étudiants et travailleurs. En novembre 1949, les nationalistes abandonneront la ville devant l’avancée des communistes. La construction du barrage le plus gros du monde) est alors entreprise dès 1994 et terminée en 2012. Depuis, Chongqing est connue tout à la fois pour son dynamisme économique et… ses dirigeants corrompus condamnés par le PCC.

Démographie : 32.800.000 habitants répartis sur 82.401 Km², la taille de l’Autriche. La région se trouve à peu près à la latitude de Tenerife.

 

Yúnnán 云南 « au sud des nuages »

Géographie : Séparé du plateau tibétain par le col de du HongLa (4220 m d’altitude), le Yunnan descend rapidement (le point le plus haut est à 6740 m, le point le plus bas à seulement 76 m !) et se transforme en forêt tropicale puis en vallée fertile produisant quantités de légumes bien que les terres arables soient rares. Le Yunnan, qui possède de nombreux lacs, est traversé par quatre des principaux fleuves d’Asie : le Yangtse (Changjiang), la Salouen (en mandarin nù jiāng 怒江 fleuve furieux), le Mékong (Méigōng, nommé Láncāng sur sa partie chinoise) et le Fleuve Rouge (Hóng hé). Le climat est subtropical avec des hivers doux, voire chauds. La capitale, Kunming, est surnommée « ville du printemps éternel ». Bref, quand vous venez de l’Himalaya, vous vous croyez au paradis. Yunlong et Nuodeng, Yunnan

Histoire : Le Yunnan était au cœur du Royaume de Dian, qui devint vassal de l’Empire Han en l’an 109. Le Yunnan servit alors de marche pour tenir en respect les « barbares du sud » et faire du commerce avec les Indes et Burma (l’actuel Myanmar). Comme le siège administratif de la contrée était situé au sud du mont Yun (le mont des nuages), la région reçut le nom de Yunnan. La population locale, apparentée aux Thaïs, se sinisa progressivement et l’agriculture se perfectionna.

Aux septième et huitième siècles, deux royaumes émergèrent : Damengguo et Nanzhao. Ce dernier eut l’audace d’attaquer l’Empire Tang en l’an 750. L’Empire Tang, qui avait déjà bien des soucis avec les invasions tibétaines, envoya une armée… qui fut anéantie. Les Tang envoyèrent alors une deuxième armée, qui connut le même sort. Les Tang renoncèrent à poursuivre la lutte, ce qui permit au royaume de Nanzhao de s’étendre sur les territoires du nord de Burma et sur la totalité du Yunnan, puis sur le nord du Laos et de la Thaïlande. Alors, le royaume de Nanzhao marcha sur le Sichuan et s’empara de Chengdu en l’an 829. Les Tang contre-attaquèrent et repoussèrent les Nanzhao en 873. Les Nanzhao s’effondrèrent. Ce n’est qu’en 937 que le royaume de Dali parvint à unir à nouveau la région. Ce royaume persistera jusqu’à l’invasion mongole, qui incorporera la région à l’Empire en 1253.

Les Ming n’envoyèrent une armée dans le Yunnan qu’en 1381. Ils installèrent sur place une noblesse sous les ordres de Mu Ying, l’un des fils adoptifs de l’Empereur. À partir du quinzième siècle, des accrochages militaires eurent lieu sur la frontière entre l’Empire et le royaume Burma des Taungû. La frontière fut fixée au seizième siècle après que le gouverneur du Yunnan eût repoussé une invasion burmane et construit huit points de passages. Au dix-septième siècle, le dernier empereur Ming, Yongli, fut escorté par Mu Tianbao (descendant de Mu Ying) jusqu’au Burma, où il tenta de se créer un royaume. Les Qing traversèrent alors la frontière et convainquirent un prince burman de leur livrer Yongli, qui fut exécuté.

Carrefour de plusieurs cultures asiatiques, le Yunnan vit des tensions ethniques apparaitre au dix-neuvième siècle entre les Hui (des Chinois musulmans) travaillant dans les mines d’argent et les autorités Mandchoues (notoirement intolérantes). Ces tensions conduisirent en 1856 à la révolte des Panthay (du mot birman Pang-hse désignant les chinois musulmans). Les Hui s’emparèrent de Dali et, profitant de la faiblesse générale de l’Empire (révolte des Taiping chrétiens 1851-1864), proclamèrent la fondation de l’État indépendant de Pingnan (paix du sud). Leur chef, Sulayman ibn `Abd ar-Rahman, est connu en mandarin sous le nom de Du Wenxiu : la rébellion est donc connue en Chine sous le nom de « révolte de Du Wenxiu » (Du Wenxiu Qiyi 杜文秀起义). En 1871, l’Empire Qin envoie finalement une armée, appuyée par des artilleurs français, pour mater la rébellion. Le Sultan demanda alors l’aide des Britanniques, lesquels refuseront d’intervenir. La rébellion sera écrasée au prix d’environ un million de morts (20.000 soldats chinois seront tués). En 1905, ce sont les Tibétains qui se révoltentdans la partie du Kham intégrée au Yunnan, refusant les réformes agraires et minières ainsi que la concurrence des missionnaires français. Les Français, craignant pour leur vie et le succès de leur mission religieuse, inciteront alors les troupes impériales à bouter le feu au monastère-forteresse de Batang (d’après les Occidentaux présents sur place). Les Tibétains répliqueront par la torture et la décapitation de missionnaires. Les Français survivant s’enfuiront sous les balles et les flèches, protégés par les troupes impériales.

À la chute de l’Empire Qing, la région sera dirigée par des seigneurs de guerre qui utiliseront le trafic de l’opium pour se financer. Pendant que les Chinois se battaient entre eux, les puissances coloniales se disputaient elles aussi le Yunnan : les Français construisirent une ligne de chemin de fer reliant Hanoi à Kunming, tandis que les Anglais en construisaient une depuis Burma (le début de la Seconde Guerre mondiale mit fin au chantier). Durant l’invasion japonaise, le Yunnan abritera la base d’opération des pilotes américains. La ville de Kunming accueillera les réfugiés de guerre malgré les bombardements japonais et se dotera même d’une université (Lianda)… d’où proviennent les deux premiers lauréats chinois du prix Nobel de Physique.

De nos jours, la région est particulièrement touristique. On peut ainsi y admirer la mythique Shangri-La, ainsi que plusieurs villes anciennes et des préfectures autonomes peuplées essentiellement par les minorités ethniques.

Démographie : 46.000.000 d’habitants sur 393.734 Km². La population de l’Espagne sur un territoire grand comme le Zimbabwe ou la Californie, à la latitude de Cuba (oui, je suis fortement influencé par la culture hispanique, je l’avoue). 67% de Han, 11% de Yi… et plein d’autres peuples.

 

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